Comme nous l’annoncions en préfaçant « Les ombres de Surcouf » du même auteur, paru au Comptoir des Brumes en 2007, Jean François Miniac, écrivain maritime et régionaliste, n’a pas fini de nous surprendre. Il nous entraine cette fois dans une riche saga manchoise dans laquelle, pour notre grand plaisir, la mer est très présente notamment, par l’aventure de son grand père Louis Miniac embarqué, en 1852 à bord de la goélette l’Indépendance, un des navires de la flotte des « lingots d’or », avec l’espoir d’aller faire fortune en Californie. Financés par une loterie nationale, au moment du rush vers San-Francisco, ces armements étaient destinés surtout à débarrasser le régime de ses opposants politiques les plus actifs.
L’étude de la généalogie familiale semble avoir été le déclencheur de la passion du petit fils pour la recherche historique que son incontestable talent littéraire transforme en délicieuses nouvelles accessibles à tous. S’appuyant, comme à son habitude, sur des sources de premières mains, fruits de longs dépouillements d’archives, il démontre, s’il en était encore besoin, qu’il est nécessaire de creuser pour faire avancer la connaissance. Ainsi cette épopée authentique de l’Etoile du Matin savoureusement contée par son second capitaine, Jean Baptiste Buisson originaire de Gouberville ; sous le guidon de la Société Française de l’Océanie, ce navire était destiné à venir en aide aux missions chrétiennes dans l’Océan Pacifique.
La mer présente encore avec l’astronome Guillaume Le Gentil originaire de Coutances, membre de l’Académie des Sciences, embarqué à destination des Indes orientales en 1760 pour aller observer le passage de Vénus dans ces parages. L’incontournable rêve américain et l’immigration vers le Nouveau monde sont évoqués avec l’aventure de Marie Bouet native Goubafleur, passagère à bord du Titanic naufragé au large de Terre-Neuve suite à sa collision avec un iceberg. La longue chevelure de Marie Bouet lui permit d’être sortie à temps de l’eau glacée. Dans cet ouvrage, l’auteur ne pouvait pas faire l’impasse sur l’épisode des corsaires en Manche et c’est Racine, tragédie en trois actes.
La mer toujours mais avec ses surprises comme l’introduction du cidre en Normandie par des navigateurs dieppois ou la peste venue de la mer, introduite à Cherbourg. Est-ce à cause de cette vieille peur que les Normands semblent parfois oublier que la fortune aussi vient de la mer bien que dans le vocabulaire maritime l’expression signifie l’inverse ?
Mais aussi le terroir, ses écrivains célèbres comme Barbey d’Aurevilly, ses traditions et ses légendes avec Léontine la désancraudeuse ; La miraculée de Lorey ; Diableries ; Dames Blanches et milloraines ; Un pendu dépendu à Port-Bail… et tant d’autres toutes aussi passionnantes.
Dans ce recueil de nouvelles classées en 82 chapitres couvrant essentiellement les deux derniers siècles, tous en lien avec le département de la Manche, presqu’île sentinelle s’élançant vers le grand large et terre de légendes, Jean François Miniac livre à l’attention du grand public, sans jamais le lasser, les pièces d’un puzzle comme autant de contributions qui revisitent et enrichissent l’histoire locale pour nourrir la grande, celle qui s’écrit avec un grand H. « Prendre le lecteur par la manche en partageant son goût des histoires tout en instillant l’Histoire de notre Manche aura été ma seule ambition » écrit-il dans son avant-propos. C’est un réel plaisir de constater que l’objectif est atteint.
Claude et Jacqueline Briot Chercheurs en histoire des transports
maritimes Grand Prix 1995 de l’Académie
